Ragna Crimson est une série toujours en cours de parution et qui a connu quinze tomes à ce jour au Japon aux éditions Square Enix. Ragna est un chasseur de dragons faible qui fait équipe avec Léonica, la plus puissante chasseuse du monde. Il commence à avoir des cauchemars d'un avenir sombre avec la mort de Leo. Peu de temps après, le jour qu'il a vu dans ses rêves s'est produit. Pendant qu'il se lamente sur sa faiblesse, son futur soi apparaît devant lui et lui mentionne comment il est devenu le plus fort, puis lui raconte qu'il a massacré des tonnes de dragons, tout en regrettant toujours son incapacité à sauver Leo. Il a donc trouvé le moyen de donner à l'homme qu'il était dans le passé son pouvoir futur afin de créer un avenir meilleur. Maintenant, Ragna est très fort et fait équipe avec Crimson, un roi dragon qui change régulièrement d'apparence entre mâle et femelle. Il s'avère aussi fou et de sang-froid que le nouveau Ragma. Leur objectif est d'éliminer tous les dragons une fois pour toutes. Après le Goblin Slayer, voici donc en quelque sorte le Dragon Slayer, un tueur de dragons qui cherche à obtenir justice après la disparition de sa famille et de son amie d'enfance par un cracheur de feu.

Avec le tome 15 de Ragna Crimson, la série de Daiki Kobayashi plonge tête baissée dans une guerre ouverte. Ce nouveau volume repousse les limites de la brutalité, de l'ampleur épique et du désespoir dans un monde où la seule constante est que les dragons semblent toujours avoir une dernière carte à jouer. Nous sommes face à l'une des œuvres de dark fantasy les plus puissantes du catalogue actuel : un manga où l'humanité ne survit que grâce à quelques élus et à un protagoniste prêt à se sacrifier pour entraîner les dragons en enfer. Alors que le volume précédent se concentrait sur l'embuscade de Lugia et l'enfer scellé par le pouvoir draconique, Ragna Crimson, volume 15, élargit le champ d'action et fait basculer le conflit dans une guerre ouverte. La Secte du Soleil , la puissance religieuse qui avait tenté de contrôler le discours autour de la lutte contre les dragons, prédit une invasion massive du Clan du Rugissement . Cette prophétie n'est pas une métaphore : c'est un compte à rebours. Loin de se contenter de reprendre la formule du « dragon du manga », Kobayashi métamorphose le paysage. La Secte du Soleil, qui se présentait comme un bastion d'humanité et de foi, est tombée en disgrâce ; certains de ses citoyens exilés sont accueillis par le roi du Clan du Rugissement en personne , ce qui brise d'emblée la dynamique « mauvais dragons, bons humains ». La réaction ne tarde pas : le Roi du Rugissement lance un assaut sur Amen avec une armée de vingt-deux millions de dragons , un chiffre qui fait passer n'importe quelle bataille précédente pour une simple escarmouche. Le résultat est clair : il ne s’agit plus d’une chasse, mais d’une guerre totale. L'un des plus grands atouts de Ragna Crimson tome 15 réside dans le rôle que joue Ragna. Après tant de volumes où il apparaissait comme un bourreau solitaire, une véritable force de la nature, il endosse ici un tout autre rôle : celui d' instructeur . Afin de donner à l'humanité une chance de résister à l'avalanche imminente, Ragna décide de former personnellement Ruoxi et l'Ordre des Soldats d'Argent à l'utilisation de l'énergie. Ce n'est pas un entraînement de shonen classique. Ragna ne se contente pas d'enseigner des techniques, mais enseigne une véritable vision de la guerre : une obsession absolue de l'efficacité, le rejet de toute peur et la conviction que l'ennemi ne mérite aucune pitié. Ses leçons sont presque dérangeantes, car on y voit comment les soldats d'argent sont façonnés selon une philosophie de combat qui frôle l'inhumain. Ruoxi, personnage déjà central, prend encore plus d'importance. Son apprentissage, loin d'être agréable ou inspirant, est rude, exigeant et marqué par la certitude que le moindre échec sera synonyme de mort.

Dans ce volume, la relation entre Ragna, Ruoxi et les survivants de l' Ordre des Soldats d'Argent devient le cœur émotionnel du récit. Alors que Ragna prépare sa contre-attaque, la Secte du Soleil s'effondre sous le poids du fanatisme, de la culpabilité et de la peur. Ses chefs, jadis arrogants, doivent désormais assumer la responsabilité d'avoir mené leurs fidèles dans une impasse. Nombre d'entre eux trouvent refuge dans un lieu des plus inattendus : le territoire du Clan du Rugissement . Ce geste du Roi du Rugissement confère une dimension morale fascinante au conflit. Il ne s'agit pas d'un méchant unidimensionnel qui souhaite simplement détruire le monde : c'est un monarque draconique qui accueille les exilés humains… tout en préparant simultanément le déferlement de millions de dragons sur Amen. Cette dualité – protecteur et génocidaire – rend chaque décision plus lourde de conséquences et renforce l'impression que, dans Ragna Crimson tome 15, nul n'est totalement innocent. La Secte du Soleil, quant à elle, devient un miroir déformant : une institution qui jadis prêchait la lumière, désormais minée par ses propres contradictions et dépendante de forces qu’elle ne comprend pas. Le manga ne fait preuve d’aucune indulgence envers le fanatisme religieux lorsqu’il se mêle au pouvoir politique et militaire. Face au rugissement de l'armée draconique, le monde humain répond avec ce qu'il a de mieux : les Guides Exterminateurs , présentés ici comme les humains les plus puissants de la planète. Nombre d'entre eux avaient été mentionnés ou évoqués dans les volumes précédents, mais dans Ragna Crimson vol. 15, nous découvrons enfin l'étendue de leurs capacités lorsque la guerre cesse d'être une série de missions isolées et se mue en une campagne d'extermination mondiale. Chaque apparition d'un Guide d'Extermination de Dragons est présentée comme un événement majeur : techniques dévastatrices, pouvoirs quasi divins, stratégies coordonnées pour contenir des vagues de dragons colossales. Kobayashi trouve un juste équilibre entre Ragna et les autres : certes, le protagoniste est un monstre de puissance, mais il n'est pas le seul. L'ampleur des combats est saisissante, et chaque affrontement souligne que le sort du monde entier est en jeu. De plus, ce spectacle a une portée qui dépasse la simple démonstration de prouesses techniques. Voir tant d'êtres humains poussés à leurs limites souligne l'idée que l'humanité est déjà entrée dans sa phase finale d'endurance. Il n'y a plus de place pour l'erreur, plus de seconde chance.

Bien que le tome 15 de Ragna Crimson se concentre principalement sur l'attaque d'Amen et l'affrontement direct entre la Secte du Soleil et le Clan du Rugissement, il n'en néglige pas pour autant les luttes de pouvoir latentes. En coulisses, des complots obscurs continuent de se tramer , impliquant aussi bien des forteresses humaines que des territoires draconiques, et promettant d'étendre le conflit bien au-delà de cette guerre.  C’est ici que l’on ressent le plus fortement que la série est entrée dans une phase de « saga de guerre » : il ne s’agit plus d’une confrontation contre un monarque dragon spécifique, mais d’une stratégie globale dans laquelle chaque action — un entraînement, une évacuation, une trahison — affectera l’équilibre entre les races. Graphiquement, le tome 15 de Ragna Crimson est une véritable déferlante apocalyptique. Daiki Kobayashi a depuis longtemps démontré sa maîtrise du détail dans la conception des dragons et les scènes de combat spectaculaires, mais ici, il repousse les limites. Les hordes de dragons qui avancent sur Amen, les formations des Guides Exterminateurs et les éclairs de puissance de l'Ordre des Soldats d'Argent composent des pages qui ressemblent à de véritables fresques de destruction. Le contraste entre les noirs profonds et les blancs éclatants intensifie la sensation de chaos. Les compositions panoramiques, les angles obliques et les doubles pages regorgeant d'ailes, de dents et d'énergie donnent au lecteur l'impression que le poids de ces « 22 millions de dragons » est presque tangible. Il est important de rappeler qu'il s'agit d'un manga pour adultes : la violence y est explicite, la mutilation fait partie intégrante du langage visuel, et le désespoir se lit dans le regard des soldats comme des civils. Ce n'est pas une œuvre tendre, et elle ne prétend d'ailleurs pas l'être.