Le comte de Champignac avait fui les Flandres juste avant la Seconde Guerre mondiale et travaillé quelque temps à Bletchley, une petite ville près de Londres, aux côtés de Blair McKenzie, une championne anglaise d'énigmes. En collaboration avec le mathématicien Alan Turing, ils percèrent le secret de la célèbre machine à chiffrer allemande, l'Enigma, et Blair et Pacôme tombèrent amoureux. Blair tomba enceinte, mais mourut en tentant un avortement clandestin. Pacôme, anéanti, s'enfuit à nouveau, cette fois en Amérique, où il se retrouva à l'université de Princeton. Là, il espionna Einstein pour le FBI, mais aux yeux de Champignac, Einstein était irréprochable. Pacôme fut ensuite envoyé au Nouveau-Mexique, où il fut affecté à Los Alamos pour travailler avec Oppenheimer au développement de la bombe atomique. Là encore, Hoover lui ordonna d'espionner des individus suspects. Mais une fois encore, Champignac éprouvait plus de compassion pour ses « victimes » que pour les services secrets. Il est lui-même quelque peu suspect car il parle constamment tout seul et semble parfois absorbé par ses conversations. Et il l'est, Blair étant toujours à ses côtés. Elle est peut-être morte, mais elle reste avec lui, et ils discutent de tout. Même de la bombe atomique et de ses conséquences potentielles. Le Comte est déterminé à la mettre au point, mais d'un point de vue humain, ce qu'il fait est, bien sûr, horrible. Lorsqu'il découvre où les bombes atomiques vont tomber sur le Japon, il s'y rend pour périr avec les victimes de ses inventions.

Avec ce nouvel album, la série Champignac prouve qu'elle n'est plus un simple spin-off, mais un élément à part entière et durable de l'univers Spirou & Fantasio. Béka et David Etien poursuivent leur excellent travail et nous offrent une fois de plus un récit finement ciselé, à la fois intelligent, ludique et ancré dans l'histoire. Le souvenir persistant de Blair, la bien-aimée de Pacôme disparue prématurément, continuent de hanter le lecteur. Dans cet album, elle apparaît dans les pensées du professeur, comme un doux écho qui illumine son existence difficile. La référence subtile au mythe d'Orphée, où l'être aimé est ramené d'entre les morts, tisse un fil conducteur beau et profond. Malgré un contexte historique sérieux, la bande dessinée reste fidèle au mélange caractéristique de fantastique, de science et d’humour qui fait le succès de la série. Le style graphique de David Etien demeure dynamique et expressif, et Béka apporte la légèreté nécessaire au récit. De petits moments comiques dynamisent l’histoire sans jamais nuire au contexte historique. Quant aux amateurs de documents scientifiques, ils pourront se plonger dans les ouvrages de Feynman ou d’Oppenheimer – de quoi les occuper un bon moment. Reste à savoir si le duo d'auteurs parviendra à trouver suffisamment de thèmes scientifiques de la seconde moitié du XXe siècle pour situer Pacôme de manière crédible. Nous sommes impatients de voir s'ils maintiendront leur niveau d'excellence. Jusqu'à présent, ils y sont parvenus. Nous attendons donc avec impatience le prochain épisode.