Scénario et dessin : Alberto Taracido
Dans les années 1970, au lendemain de la dictature franquiste, nous suivons à travers le regard de 4 enfants l’arrivée d’un vieil homme amnésique, Don Belarmino, dans le petit village de Labanou en Galicie. Son amnésie serait-elle liée à des souvenirs troubles de la récente période fachiste ? Guitare en bandoulière, il semble sortir de nulle part. Son arrivée prend des airs messianique dans la communauté quand lors d’une tempête mémorable, il sauve une partie du bétail villageois en fuite. Sa jovialité et sa musique apportent une nouvelle énergie à ce petit village. Pourtant, derrière cette apparente légèreté, le passé rôde. Les quatre chérubins privés de leur cabane au profit du vieil homme y découvrent un pistolet et ses munitions. L’arme remise à la police déclenche une enquête qui va bouleverser la vie de tous les habitants du village. Des questions se posent alors : l’amnésie de Don Belarmino n’était-elle pas souhaitable ? Le retour du passé ne risque-t-il pas d’ouvrir à nouveau les blessures villageoises mal cautérisées ?
Alberto Taracido, ici à la fois au scénario et au dessin, nous livre une œuvre profondément personnelle et universelle. Sans en révéler trop, le récit navigue entre différentes temporalités, tissant un lien fragile et puissant entre le passé et le présent. Taracido aborde avec une grande finesse des thèmes délicats tels que le deuil, la culpabilité, le souvenir, et la difficulté de faire face à une absence. Le scénario est d'une grande sensibilité, le rythme est posé, laissant le temps aux sentiments de s'installer et de résonner en nous. On ressent une sincérité palpable dans la narration, ce qui rend l'immersion d'autant plus forte et l'identification aux personnages aisée. Le monde est néanmoins dépeint avec légèreté et insouciance. Les couleurs chaudes accompagnent un envoutant dessin rond et des personnages terriblement attachants. La plupart vaquent à leurs occupations pendant que les autres égrainent le temps dans les cafés. Le contexte respire la bienveillance et la simple vie villageoise. Le dessin d'Alberto Taracido est un véritable atout pour cette bande dessinée. Son style est expressif, avec un trait qui, sans être hyperréaliste, est incroyablement juste dans la transmission des émotions. Il y a une certaine mélancolie qui se dégage de ses planches, parfaitement en phase avec le ton du récit. Taracido utilise des palettes souvent douces, parfois un peu passées, qui renforcent l'impression de souvenirs, de nostalgie et de fragilité. Les ambiances sont soignées, qu'il s'agisse de paysages urbains ou d'intérieurs chargés d'histoires. Chaque case semble imprégnée d'une atmosphère particulière, contribuant à l'immersion émotionnelle du lecteur.
VERDICT
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L'Écho des Jours Brisés n'est pas un récit d'action, mais une exploration intime et délicate des cicatrices laissées par la vie.