Rouge signal : le nom d’une couleur qui sublime les ongles des femmes s’allume comme le voyant d’une alarme, embrase les frustrations et les désirs de vengeance, annonce le crime de sang. Alexandre est un homme blanc, cisgenre, de la classe moyenne. Malheureux en amour, il s’ennuie au travail et rumine son ressentiment, seul, chez lui, entre son frigo et son téléphone, scrollant compulsivement pour trouver sur internet des solutions toutes faites. Sur le trottoir d’en face, quatre femmes discutent et travaillent dans une onglerie. Depuis sa fenêtre, il les épie. Sous l’influence d’un groupe d’hommes, la colère monte et cristallise sa haine contre toutes celles qui, selon lui, ont pris le pouvoir et menacent la société tout entière.

Laurie Agusti écrit surtout pour la jeunesse. En signant cette première bande dessinée adulte, elle a choisi de se glisser dans la psyché d’un homme violent pour décrire avec une précision quasi chirurgicale le processus de la radicalisation et la mécanique du pire. Son thriller glaçant suit la logique de la violence masculiniste, dévoile par la rigueur documentaire un réel terrifiant. Le rythme s’emballe. À la gouache, les effets de lumière révèlent les pulsions meurtrières en jouant avec la palette des vernis aux couleurs pop en hommage à la féminité haïe. Contre la mort, la vie résiste dans le portrait de ces quatre femmes aux personnalités singulières. Une bande dessinée pour avertir, prévenir et tenter par la beauté et l’intelligence d’éteindre l’incendie.

Vidéo sur le travail de Laurie réalisée pour l’ADAGP (©Sébastien Guisset) : https://vimeo.com/1083503810/2c0f483a96