Sans-Voix est un grand singe à l'apogée de sa puissance. Depuis la steppe aride et isolée où vit sa tribu, il voit venir l'opportunité de prouver sa valeur au clan : abattre Longue-Gueule, cet alligator blessé et perdu sur leur territoire et qui pourrait bien rassasier la tribu. Il n'aura pas le temps de savourer sa victoire, les hommes de la Maison Matsya, nomades, bannis de l'empire, le capturent afin de le dresser en guerrier sacré, celui qui incarne la violence sur terre, le Dieu-Fauve, jouant là leur retour en grâce au sein de l'empire. Confronter l'ambition humaine à la fureur primaire de la nature, voilà le thème principal du nouveau one-shot du scénariste de Seuls.

Le prolifique Fabien Vehlmann s’associe cette fois avec l’excellent Roger Ibanez qui s’est fait plus discret depuis le dernier tome de « Jazz Maynard ». Au coeur d’une nature primitive et violente, un jeune singe recueillit par un clan doit faire ses preuves, un poète tout juste affranchit doit doit percevoir la beauté dans l’obscurité, une guerrière maître veneur doit assurer l’avenir de sa tribu, une jeune femme, apprentie poète sans talent, cherche à faire évoluer la situation. La vengeance comme moteur, la violence comme moyen de survie, ces personnages ne sont pas si différents. Chacun à leur manière, ils vont devoir affronter leurs destins. Par des introspections sobres et très peu de dialogues, Fabien Vehlmann réussit à exprimer la cruauté, la vengeance, la manipulation et la violence. L’être humain est un animal qui peut créer des monstres à son image. Nous sommes bien contents d’avoir retrouvé le dessin de Roger Ibanez, toujours aussi appréciable. Ses visages découpés à la serpe, les aplats de couleurs sombres et la vivacité des mises en scènes font un parfait contrepoids à la quasi absence de dialogue. Si l'homme est un loup pour l'homme, il sait aussi créer des loups. Une très belle réussite.