She is beautiful tome 6
Plate-forme : Bande Dessinée
Date de sortie : 11 Septembre 2025
Résumé | Test Complet
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Développeur :
Genre :
Bande dessinée
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Redaction


8/10

Scénario : Jun Esaka
Dessin : Takahide Totsuno

She is beautiful est un manga en six tomes publié au Japon aux éditions Shueisha. Kurumi vit dans « l’enclos », un mystérieux centre de recherches qui élève des petites filles. Elle y vit heureuse avec ses camarades et amies. La veille de son dixième anniversaire, elle s’endort paisiblement. A son réveil, 14 ans se sont écoulés ! Elle apprend que Sayaka, une de ses camarades de « l’enclos », veille sur elle depuis de nombreuses années car la mémoire de Kurumi s’efface à chaque fois qu’elle s’endort. Entre mensonges et manipulations, c’est le début d’un très étrange voyage pour Kurumi…

Avec le sixième et dernier tome de She is Beautiful , Jun Esaka et Takahide Totsuno concluent l'une des histoires les plus bouleversantes et émouvantes du manga récent. Ce final ne vise pas une fin réconfortante, mais plutôt une conclusion d'une puissance émotionnelle et conceptuelle bouleversante. Ce qui avait commencé comme un récit de science-fiction sur la manipulation de la mémoire culmine ici en une tragédie sur l'amour, l'identité et la responsabilité de se souvenir. Dès son premier tome, She is Beautiful a instauré un univers oppressant où la mémoire était une menace et l'oubli un instrument de contrôle. Dans ce dernier volume, Kurumi parvient enfin à accéder au réseau Regis – le système qui effaçait quotidiennement ses souvenirs – et désactive le mécanisme qui la condamnait à revivre sans cesse la même existence. Cette première victoire, partagée avec Misaki, semble annoncer la libération… mais Esaka s'empresse de briser cette illusion. La famille, laboratoire symbolisant l'origine de tous les traumatismes, devient le théâtre de l'ultime confrontation. Là, passé et présent se confondent : Kurumi, consciente de ce qui lui a été volé, doit décider quoi faire de ce qu'elle a retrouvé. Son retour n'est pas une vengeance, mais une quête de sens. Et dans ce voyage, l'amour de Sayaka se transforme en un miroir où tendresse et obsession se confondent. L'arrivée du nouveau directeur de Familie déclenche une lutte de volontés qui constitue la trame de tout le volume. Kurumi prise en otage et Sayaka déterminée à libérer l'humanité entière – même au péril de la planète –, l'histoire atteint son paroxysme de tension morale. « She is Beautiful » n'a jamais été une histoire de bien contre mal ; sa force réside précisément dans cette ambiguïté. Guidée par l'amour, Sayaka devient une figure messianique prête à détruire le monde pour sauver une seule personne. Kurumi, quant à elle, incarne la maturité forgée par la souffrance : la conscience qu'aimer ne signifie pas toujours posséder. Esaka met en scène cette confrontation avec une précision émotionnelle saisissante. Chaque réplique est une arme, chaque silence un coup. La conversation entre les deux, chargée de reproches, de peur et de désir, résume l'essence même du manga : la lutte pour définir qui l'on est quand tout a été programmé pour nous empêcher de le savoir. En ce sens, la résolution du conflit ne repose ni sur la technologie ni sur le pouvoir, mais sur la volonté de se souvenir, même de ce qui fait mal. Le retour du docteur Reishô, responsable des expériences ayant donné naissance à Kurumi, ajoute une dimension d'horreur biotechnologique qui n'est pas sans rappeler les meilleures œuvres de science-fiction psychologique japonaise . Plus qu'un simple antagoniste, Reishô incarne l'arrogance scientifique : un homme qui a cherché à réécrire l'évolution au prix de l'effacement de l'humanité de ses sujets d'expérience. Les révélations concernant les « nouveaux primates » et les expériences de manipulation neuronale confirment que « She is Beautiful » n'est pas qu'un récit sentimental, mais une fable morale sur l'utilisation du savoir comme arme d'asservissement.

Le point culminant de Familie n'est pas seulement une lutte entre Kurumi, Sayaka et Reishô, mais une confrontation de visions du monde. Reishô représente la raison sans empathie ; Sayaka, l'amour infini ; Kurumi, la synthèse imparfaite des deux : l'émotion qui choisit de survivre. La tension entre ces trois pôles définit le message central de l'œuvre : il n'y a pas d'humanité sans mémoire, pas plus qu'il n'y a de liberté sans responsabilité. Le dénouement arrive avec une sérénité troublante. Takahide Totsuno tire parti du rythme mesuré des derniers chapitres pour offrir une conclusion presque poétique. Les dernières pages, où Kurumi et Sayaka parviennent à s'échapper de la Famille, sont empreintes d'un calme qui ne fait que présager le sacrifice. L'ultime exigence de Reishô, qui contraint les protagonistes à prendre une décision irrévocable, devient une métaphore de la maturité : choisir non pas ce que l'on désire, mais ce que l'on doit faire. Sans rien dévoiler de l'intrigue , la fin évite tout sentimentalisme facile. Elle est cruelle, mais honnête. Kurumi, pour la première fois, agit en pleine conscience. Elle a recouvré la mémoire, mais comprend que le prix de la liberté est la perte de ce qui la définissait. La série s'achève là où elle a commencé : au seuil entre le souvenir et l'oubli, entre l'amour et l'autodestruction. Dans ce dernier tome, le visuel atteint son apogée. Totsuno utilise avec brio le noir et blanc comme un langage émotionnel. Les ombres denses de la Famille contrastent fortement avec les espaces vides où Kurumi et Sayaka font face à leur destin. Une mélancolie visuelle omniprésente imprègne tout le volume : les visages à peine esquissés, les yeux reflétant des souvenirs, les mains qui se tendent puis se séparent. L'auteur de manga allie une esthétique clinique à une sensibilité lyrique. Les installations de Familie sont froides, impersonnelles, remplies de machines et de tuyaux, tandis que les scènes intimes sont construites avec des lignes douces et des arrière-plans flous. Cette dualité renforce l'idée centrale : c'est l'humanité qui perdure au sein de la machinerie. Rares sont les séries contemporaines qui atteignent un tel équilibre entre narration et dessin. « She is Beautiful » tire sa révérence comme l'une des œuvres les plus marquantes du catalogue Kurokawa. Jun Esaka et Takahide Totsuno ont tissé une histoire mêlant science-fiction, drame psychologique et réflexion philosophique, toujours au service de leurs personnages. Kurumi et Sayaka, plus que de simples héroïnes, sont des symboles : elles incarnent la lutte contre la dépersonnalisation dans une société obsédée par le contrôle. Dans ce sixième volume, le message se cristallise avec une clarté douloureuse. Il n'y a pas de liberté sans identité, ni d'identité sans mémoire. Oublier peut soulager, mais c'est aussi mourir. Se souvenir, en revanche, fait mal, mais nous permet de vivre. C'est le paradoxe ultime que *She is Beautiful* laisse au lecteur : la beauté ne réside pas dans la perfection, mais dans la cicatrice.

VERDICT

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La fin de She is Beautiful ne cherche pas le réconfort, mais la compréhension. C'est une conclusion qui laisse des blessures ouvertes, mais aussi de l'espoir. Kurumi, qui a commencé son histoire comme une marionnette programmée pour oublier, finit par devenir une femme qui choisit ce dont elle se souvient. Et dans ce choix, tout le parcours se résume : être humain, c'est choisir, même quand le monde entier tente de l'empêcher. « She is Beautiful » tire sa révérence, laissant une empreinte profonde, un écho qui continuera de résonner chez les lecteurs longtemps après avoir tourné la dernière page.

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