Kowloon Generic Romance est une série toujours en cours au Japon et qui compte neuf tomes à ce jour aux éditions Shueisha. Passé, présent et futur se confondent dans le labyrinthe des rues du quartier malfamé de la citadelle de Kowloon où vivent des personnages nostalgiques, deux agents immobiliers sont confrontés aux changements amenés par la nouveauté et le désir d'un repère immuable. Une romance adulte quotidienne dans une douce dystopie, une nouvelle vie en douceur.

Le manga énigmatique de Jun Mayuzuki est de retour dans les librairies, avec près de 2 millions d'exemplaires en circulation au Japon et un anime récemment sorti qui recueille des critiques élogieuses. Les souvenirs quotidiens de ce monde où chacun est censé être bon se reflètent dans les lunettes de Kujirai, mais… qu'est-ce que ce monde pour Kudô ? Et si Kowloon disparaissait ? La véritable identité de Kowloon se révèle au-delà de ce quotidien où les sentiments se croisent et communiquent. Le mystère de Kowloon continue de s'élargir. Dans le neuvième volume de Kowloon Generic Romance , Jun Mayuzuki ajoute un nouveau rebondissement à une histoire qui, loin d'être résolue, devient de plus en plus trouble, plus personnelle… et plus douloureuse. Le volume s'ouvre sur Kujirai dans un état de perplexité croissante. Son lien avec Kudô est rompu lorsque, à travers ses lunettes, elle commence à voir des souvenirs qui ne lui appartiennent pas. Ce ne sont pas ses rêves : elle contemple des scènes vécues par Kujirai B, la version précédente d'elle-même, dont l'existence semble s'infiltrer lentement dans sa conscience actuelle. Le problème n'est pas seulement ce qu'elle voit, mais qui elle voit . Car ce Kudô, celui des souvenirs de l'autre Kujirai, ne ressemble plus à celui qu'elle a connu. Et cela ouvre une nouvelle blessure, inattendue : quelle part de ce que Kudô ressent pour elle est réelle, et quelle part est un vestige d'un amour passé ? Pendant ce temps, Kujirai décide d'enquêter seule sur l'un des détails qui la perturbent le plus : pourquoi son « moi passé » se rendait-il si souvent au nord de Kowloon ? Accompagnée de Yômei, elle explore cette partie interdite de la ville et découvre un fait aussi étrange que symbolique : les murs sont couverts d'amulettes, et lorsqu'on les arrache, des messages d'erreur informatique apparaissent au dos, comme l'emblématique « 403 : Accès refusé ». Ce procédé narratif fonctionne comme une brillante allégorie du système qui maintient l'existence de la ville et son caractère artificiel. Avons-nous affaire à un environnement virtuel mal ficelé ? À une toile émotionnelle tissée de bugs ? Mais l'une des plus grandes réussites de ce volume réside dans le traitement du personnage de Yuuron, un ami proche d'Hebinuma et peut-être l'un des personnages les plus tragiques de la distribution. Obsédé par la ville de Kowloon G – qui lui reste invisible –, il se lance dans une enquête désespérée pour comprendre ce que ceux qui la voient ont en commun. Son hypothèse est aussi belle que terrifiante : seuls ceux qui sont profondément attachés à la ville peuvent la voir. Amour, culpabilité, traumatisme… quelque chose qui les a à jamais liés à cet endroit impossible. Jun Mayuzuki poursuit sa représentation des émotions humaines dans un décor irréel. Ce volume est l'un de ses plus introspectifs à ce jour, et en même temps l'un de ses plus audacieux visuellement. Les transitions entre les scènes, le symbolisme des couleurs des deux pages couleur incluses et l'alternance entre gros plans et arrière-plans d'une ville en ruines créent une atmosphère chargée de tension mélancolique. Tout cela sans abandonner le ton lyrique qui rend cette série unique. En termes de rythme, ce volume ralentit par rapport au précédent, mais non par manque d'intérêt : il le fait pour laisser place à la réflexion, à la mémoire, au vertige de regarder en arrière et de ne pas se reconnaître. Kowloon devient ici un espace de deuil : non seulement pour ce qui a été perdu, mais aussi pour ce qui n'a peut-être jamais été réel.