Charlie (Brendan Fraser) pèse plus de 270 kilos et ne sort plus de chez lui depuis longtemps. Il donne des cours d'écriture créative en ligne, mais cache son apparence derrière une webcam éteinte. Son état de santé est critique - sa tension artérielle est par exemple de 238 sur 134. Mais comme il n'a pas d'assurance maladie, il refuse de se rendre à l'hôpital, malgré de violentes douleurs dans la poitrine. Liz (Hong Chau), qui passe régulièrement pour s'occuper de Charlie, sait qu'il n'a plus que quelques jours à vivre. Pendant ce temps, Charlie fait d'une part la connaissance de Thomas (Ty Simpkins), un adolescent missionnaire qui frappe à la porte de Charlie pour prêcher le message du Christ. D'autre part, Charlie tente de se rapprocher de sa fille adolescente Ellie (Sadie Sink). Lorsque celle-ci avait huit ans, il avait quitté la mère d'Ellie, Mary (Samantha Morton), pour pouvoir vivre avec un homme.

Des drogués, des obsédés, des mégalomanes : L'univers du cinéaste américain Darren Aronofsky, né en 1969 à Brooklyn, n'est pas forcément confortable. Dans "Requiem for a Dream" (2000), il montrait par exemple le calvaire d'une femme âgée et solitaire qui pense pouvoir bientôt participer à une émission de télévision et qui se met donc à consommer des pilules de régime à outrance - tandis que son fils s'adonne à la drogue. "The Wrestler" (2008) et "Black Swan" (2010) ont parlé de la célébrité, de l'amour et de la douleur - de la lutte contre le vieillissement et contre l'affaiblissement de la célébrité qui en découle, respectivement contre la pression physique et psychique dans l'austère industrie du ballet. Le nouveau travail d'Aronofsky, "The Whale", traite également de l'(auto)destruction du personnage principal et donne un aperçu de son destin tragique. Le scénario a été écrit par Samuel D. Hunter, qui a adapté sa propre pièce de théâtre. L'origine scénique du sujet est clairement perceptible dans la mise en scène, mais celle-ci ne la dissimule en aucun cas : Le format 4:3 crée délibérément un sentiment d'étroitesse ; on ne cherche pas d'excuses dramaturgiques pour quitter le petit appartement du protagoniste Charlie. La caméra de Matthew Libatique se concentre entièrement sur l'univers entre quatre murs, auquel la vie de l'ex-professeur en surpoids s'est réduite depuis la mort de son partenaire bien-aimé. L'addiction au fast-food et les nombreux maux liés à l'obésité de Charlie ne sont pas systématiquement transmis avec subtilité. Alors que la musique était l'un des points forts de la plupart des œuvres d'Aronofsky, le score de Rob Simonsen ("Foxcatcher") est parfois assez envahissant. Et même au niveau du contenu, certaines choses sont plutôt maladroites - par exemple les nombreuses références au roman classique d'Herman Melville "Moby-Dick ; ou : La Baleine" sur "l'énorme, grand animal" que le capitaine Achab pourchasse par vengeance. Si "The Whale" mérite néanmoins d'être vu, c'est grâce au jeu des acteurs. Brendan Fraser, né en 1968 à Indianapolis, qui est devenu une vedette de blockbuster grâce à "La Momie" (1999), a reçu à juste titre un Oscar pour son retour. Il incarne le rôle sans peur et avec sensibilité, ce qui fait que le fatuit devient presque secondaire. Mais l'ensemble autour de Fraser est également convaincant : Sadie Sink ("Stranger Things") en fille rebelle, Ty Simpkins ("Insidious") en jeune missionnaire, Samantha Morton ("Minority Report") en ex-femme de Charlie et surtout Hong Chau ("The Menu") en confidente et soignante de Charlie, avec laquelle Fraser développe une merveilleuse alchimie amicale.