Le chat déambule dans un paysage silencieux. Hugo regarde la faune sauvage à travers son appareil photo, puis Jill qui passe par là — et qu’il voudrait bien revoir de plus près. Simon est prof et il n’en peut plus. Il doute, il est au bout du rouleau, au bord de l’implosion. Nicole milite activement pour oublier que sa fille ne veut plus lui parler. Pierre râle, il a reçu en cadeau un perroquet qui l’exaspère — c’est Nicole qui lui a envoyé le cadeau. Diane tient un journal intime où ne figurent que les citations des autres — rien de personnel, elle est paumée, elle ne sait plus qui elle est. Jill ne sait pas encore qui elle est.

« Le monde commence au pied de mon nénuphar », dit le crapaud. Ce monde, c’est Dave Rivage, un village tranquille qui fourmille de voix entremêlées, d’émotions petites et grandes, de liens qui se nouent, ou se renouent, sous le regard des bestioles envoyées en observateurs par le crapaud : une mouette survole en douceur, une chouette nous trouve « exotiques », des araignées ricanent devant la mort, le crapaud espère créer un nouveau monde avec nous, alors il veut savoir qui nous sommes. Le récit nous balade en zigzag d’un humain à l’autre. Et sa force tient autant à la virtuosité de ce mouvement perpétuel — qui nous rapproche peu à peu de ces personnes énigmatiques au début —qu’au message transmis avec délicatesse, loin de tout didactisme indigeste : au milieu du village coule une rivière, l’eau monte et les humains, trop centrés sur leur nombril (dit le chat), ne sont pas conscients de frôler la catastrophe. Et puis il y a ce dessin plein de douceur et de dérision, de drôlerie et de mélancolie, qui rend notre monde si attachant. Et au bout du compte, même si l’eau monte, même si le chat est cynique et tient à le rester, la vie l’emporte. Nous sommes tous sur ces rives, infiniment touchés